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1 nov. 2010

Estampes sur eaux troubles

Estampes sur eaux troubles figurait dans la liste des livres proposés pendant l'opération Masse critique des littératures de l’imaginaire. Son résumé me semblait mystérieux et je me suis laissée tenter afin d'en savoir davantage ~

Résumé éditeur : Sensualité, ambition, regret, remords... Le désir couve chez ceux qui ne veulent pas le voir.
Une jeune fille se perd dans les forêts du Penjab et découvre que toute danse n’invite pas au plaisir... Une jeune épouse reçoit d’étranges présents de son aimé parti au front, de vieilles bobines de cinéma ravivent d’anciennes flammes... Et loin derrière les anneaux de Saturne, on mutile les corps pour renouveler l’esprit.
Le désir ici se fait atrabilaire, ses objets sont brumeux comme le rêve, ardents comme des braises. Passé, présent, avenir, en un ocre mêlé d’encre noire. Chevelures, parfum, souvenirs mal enterrés, fantômes resurgis : au fil de ces neuf textes, les images et les sons se répondent...

Mon avis : Aussi troublantes que tragiques, ces 9 nouvelles possèdent chacune leur propre univers plongeant le lecteur dans l'Inde colonialiste, en Ecosse dans un château, dans une sorte de conte moderne où le loup se cacherait derrière une apparence avenante ou encore dans un futur aux accents de civilisation romaine. Autant de changement de lieux et d'époques qui ne choquent pourtant pas. Cette diversité semble former un tout créé par des fils conducteurs. Dans les récits, la même ombre terrifiante plane. La même violence qu'elle soit physique ou mentale, ne rôde jamais loin. Celle du combat, celle du désir, celle de la jalousie, celle de la folie... 

Les situations peuvent transformer la plus innocente jeune fille en apparence en un monstre laissant ses pulsions la dominer. Les fantômes ne sont pas plus vils que les humains. Imaginaire et réalité se mélangent alors que le lecteur nage entre deux eaux. Et en ce sens, le recueil porte très bien son nom.   Cependant, l'effet est différent selon les nouvelles, si certaines peuvent paraître immédiatement fantastiques, d'autres au contexte plus contemporain paraissent plus plausibles, réalistes. On passe très bien d'une nouvelle à l'autre tout en se demandant ce que Marianne Lesage a préparé. Son écriture "coule" bien et la narration est variée. Echanges épistolaires, journal intime etc qui se marient bien  soit  avec l'utilisation de la première personne, soit avec celle de la troisième personne.

Les personnages hétéroclites rencontrés au cours des nouvelles créent un ensemble riche. J'avoue avoir eu quelques préférences notamment pour Art is the hammer où le "chasseur" devient une proie. Une sorte de retour de manivelle. Ainsi que la pointe d'ironie dans Oeil de nacre dans la serre. Ah cette jeune épouse qui brise son mari ! Et qu'en est-il de cette espèce d'obsession quasiment mystique pour la pureté ? Tout comme l'obsession du rouge de Paul… Désirer est dangereux… Cela peut même coûter cher. Très cher.

Estampes sur eaux troubles entraîne sur des sentiers où tout peut arriver. Surtout le pire. Plus dérangeantes qu'effrayantes, les nouvelles ne laissent pas indifférent avec cette sensation d'être sorti d'un rêve étrange. Et… attention à ce que vous convoitez.

Merci à Griffe d'Encre et à Babelio pour cette découverte  !

12 sept. 2010

Du rébecca dans l'air

Je pensais finir Traitors Gate avant de commencer un autre livre mais, voilà, Du rififi chez les femmes a atterri sur mon bureau me laissant en plein dilemme. Je trouvais que ce n'était vraiment pas raisonnable mais... Bon, j'ai vite fait mon choix  troquant l'Angleterre victorienne tourmentée par la colonisation de l'Afrique pour les malfrats des années 50 et je me suis lancée, curieuse, dans le roman d'Auguste le Breton (mon premier roman noir français quoi !). Plongée dans le milieu des bas-fonds, j'ai découvert un univers haut en couleurs. Le résumé vous en donnera un avant-goût...
 
 Résumé : « Vicky de Berlin », la belle michetonneuse, tient le Ration K, bar à filles de Bruxelles. Les frères Napos, propriétaires du Vertige, ont décidé de racketter tous les bars de la ville.
Affrontement entre tenancières et tapineuses, entre caïds et faussaires. Le « beau Marcel », chargé de l'affaire des faux talbins, devra orchestrer les rivalités entre deux clans, les affaires de filles, de territoires qui ne font pas bon ménage.

Mon avis : Tout simplement, palpitant. Je l'ai dévoré d'une traite, emportée par le rythme. L'enchainement des évènements est frénétique, on a l'impression de se trouver dans un film de gangsters en se demandant qui en sortira vainqueur. Derrière des moments sombres, il y a une étincelle d'amour qui meurt quelques pages plus tard. Dans ce milieu, le malheur rattrape rapidement le bonheur, ce qui rend les moments encore plus intéressants. Au fond, on se doute que ça va mal finir, sauf qu'on ne sait pas réellement pour qui. Tous les voyous sont rusés et n'hésitent pas à employer les grands moyens, quitte à y aller un peu fort (certaines méthodes font frissonner). La tendresse, ils ne connaissent pas. Aussi bien les hommes que les femmes. Ils ont tous cette rage de se battre, de défendre leur territoire, ce qu'ils ont construits. Prostitution, drogue, faux-billets, l'éventail des activités présentées est large. Cependant ça illustre la complexité des bas-fonds, de la hiérarchie qui y règne et des codes à respecter. Rapidement, on comprend bien qu'avoir du sang-froid est la clé pour survivre.

Dans les personnages, il y a, entre autre, Vicky. Cette femme aussi forte de caractère qu'un homme leur voue une haine tenace. Ceci est facilement compréhensible lorsque son passé est dévoilé.  Elle a créé le Ration K et n'a pas l'intention de l'abandonner. Les frères Napos apportent la touche "ritale", alors que Marcel est le sud-américain débarqué en Belgique pour donner un coup de main au Marquis.  Chaque individu possède un surnom, Yoko est la Jap', l'un des frères Napos, Bug ainsi que Quinze-Grammes, l'une des filles de Vicky. Mais les origines de tous les protagonistes font que même si l'action se déroule Bruxelles, on voyage. Londres, les Etats-Unis, l'Asie, l'Amérique du Sud... Certains ont roulé leur bosse avant d'arriver à Bruxelles. Finalement, le crime organisé, n'était-ce pas la mondialisation avant l'heure (l'économie parallèle a du toujours avoir une longueur d'avance) ?

Quant au style, il rappelle la richesse de la langue française. Certes, il s'agit de langage vert, difficilement utilisable dans la vie courante (encore que certains mots n'ont pas disparu) mais à une époque, où les anglicismes sont facilement utilisés, ça fait du bien de lire des expressions, parfois très imagées, grivoises. Cependant sans elles, le livre n'aura pas tout son charme. Les choses sont écrites comme elles sont, avec le langage du milieu, ce qui donne une touche non négligeable d'authenticité. Et puis, pas de panique, un glossaire est présent à la fin du livre aidant à la compréhension.

Une citation pour vous montrer que les femmes du milieu ne rigolent pas :
À quoi bon ? Des femmes comme elles ne parlent pas. Bizarre. Elles avaient toutes deux le même regard. Ce regard insondable des femmes qui ont vu trop de saletés, de pourriture. Ce genre de regard qui devrait obliger les hommes à rentrer sous terre s'ils n'étaient pas si ordures.

Vive Plon pour la collection Noir Retro !

[ Rébecca (faire du) : semer la panique, se battre, etc ]