30 nov. 2010

Enfants des rues

Cela faisait longtemps que je n'avais pas lu un livre jeunesse et mes lectures étaient très différentes de celle-ci. J'adorais Indiana Jones Junior, Ivanhoé, les Trois Mousquetaires, etc... L'univers était donc très loin de celui d'Enfants des rues...

Résumé : "Je ne sais pas où Gugu m'emmène, je ne sais pas non plus si j'aurai un endroit où dormir. J'ai encore un peu mal au ventre, et j'ai l'impression d'avoir quelque chose de coincé en travers de la gorge. Mais j'aime tellement les voir et les entendre prononcer ces mots : "dans la rue". Peut-être que je fais déjà partie de ces enfants des rues, qui sait ?"
Un collégien en rupture de ban, perdu dans les rues de Taipei après s'être enfui de chez lui, se retrouve mêlé à une sordide histoire de machines à sous. Il va faire l'apprentissage de la marginalité au milieu d'autres adolescents cassés par la vie, à l'image des épaves automobiles où ils ont élu domicile.

Mon avis : Le livre est divisé en 29 chapitres courts voire très courts puisque certains font à peine une page. Les titres correspondent à un élément central développé tout au long du chapitre. Dès les premières pages, le ton très dur est donné. ''Prologue d'un zombie'', ''Communiqué de la décharge'', ces jeunes dont Ta-Ch'un Chang va nous raconter l'histoire, ne semblent plus humains. Ce sont ces êtres que Hou Shichun rencontre involontairement. Ils sont différents. Shichun a une famille, un toit, une sorte de point de retour que les autres ont perdu et envient. Au travers de ces regards croisés, on a le sentiment que le collégien se voit dans un film d'action. Au début, il ne réalise pas, les histoires des "grands frères" ou des "grandes soeurs" sont des évènements croustillants. Il est étranger à tout cela et n'hésite pas à qualifier leur vie de cool. Les autres le gardent par obligation, parce qu'il connait un secret. Et comme lui dit Oncle Xu, plus tu connais de secrets, moins tu peux retourner chez toi. Il faut dire que cette bande baigne quotidiennement dans la violence. Une violence retranscrite à la fois par le langage familier et les images souvent fortes. Celle de la décharge mais aussi la comparaison avec les chiens errants ou encore les morts relatées.

Entre un père infidèle flambeur qui abandonne sa famille et une mère préoccupée par son travail, Hou Shichun ne semble pas avoir sa place. Je me suis demandée si en fuguant, il ne cherchait pas une famille. Un groupe au sein duquel il aurait vraiment sa place. Des gens dont il ne doutera pas. Et durant une errance longue, l'adolescent grandit, change. Son innocence disparait pour laisser place à la conscience de la rue. Ta-Ch'un Chang n'essaie pas de diaboliser la société ou ces jeunes à la dérive. J'ai aussi eu l'impression qu'il essayait d'être le plus juste et neutre possible. Il nous montre simplement à travers les yeux de son protagoniste, la vie des enfants de rue et comment un adolescent peut se retrouver pris dans ce cercle vicieux : famille dysfonctionnelle, police corrompue, affrontement de bandes. En lisant la table des matières, on peut penser qu'il y a une lumière au bout du tunnel, de l'espoir quelque part mais ce n'est qu'une impression. Et si le livre se finit par "Oublier", on peut se dire que c'est sans doute le voeu le plus cher de ces jeunes.

Un roman pour adolescents (plutôt 15 / 16 ans, je trouve) et - jeunes adultes - qui nous plonge dans un quotidien que les enfants des rues, qu'ils soient à Taïwan, au Brésil ou même dans nos contrées, connaissent.

Quelques citations au passage :
Je reste debout dans la ruelle. Je ne sais pas où aller. Ni pour combien de temps je pars. C'était le début. Beaucoup plus tard, j'ai appris ça : quand quelque chose commence, ça ne s'arrête jamais. Jamais.
[…] le passé est une loterie, un souvenir sort le premier, il n'est pas le plus important, il ne suit pas la chronologie, il se contente de sortir, c'est tout. Ce souvenir qui resurgit, tu as envie de le raconter et puis il t'aide à récupérer le fil. Peut-être tous les souvenirs renferment-ils de la tristesse, du bonheur ou un autre sentiment, mais une chose est sûre : celui que tu livres en premier est forcément un souvenir derrière lequel tu pourras te cacher, pour qu'on ne te retrouve pas.

25 nov. 2010

Le Mont Crépitant

Résumé : "A voix haute il lui lit des contes comme  MomotarôLe Mont CrépitantLe moineau à la langue coupéeLes Deux Bossus ou  Monsieur Urashima
Bien qu'il soit pauvrement vêtu et qu'à sa figure on le prenne pour un idiot, ce père est loin d'être un homme insignifiant. Il possède en effet un art vraiment singulier pour imaginer des histoires. 
Il était une fois, il y a bien, bien longtemps... 
Ainsi, tandis qu'il lui fait la lecture de sa voix étrange et comme stupide, c'est une autre histoire, toute personnelle, qui mûrit au fond de son coeur. "

Mon avis : Je m'étais intéressée à Osamu Dazai après avoir vu Melos et puis lire des contes est un peu comme un retour à l'enfance  (ça me fait penser à Père Castor aussi ♥). Mais la situation de la narration est quelque peu inhabituelle car l'action se déroule dans un abri antiaérien (pas antibactérien comme on le trouve sur certains sites, même si ça m'a amusée). Les contes semblent apporter une touche de légèreté à la gravité du contexte bien planté grâce à l'utilisation du présent. Mais j'ai surtout aimé le choix de la première personne qui nous montre à la fois les réflexions du père de famille et donne un sentiment de dialogue avec le lecteur. Il y a une sorte d'intimité qui se crée, cependant elle est, de temps en temps, perdue avec un retour à la troisième personne.

Dans chaque conte, le narrateur dissèque les histoires, s'interroge sur certains éléments. Bien qu'ils soient ancrés dans la culture japonaise, on perçoit une dimension plus "universelle."  L'homme compare la boite de Pandore et le coquillage de Monsieur Urashima. Dans Le Mont Crépitant, il souligne la censure et la création des versions édulcorées pour les enfants faisant perdre  leur sens à l'histoire. Les contes ne doivent pas être cruels, afin de préserver l'innocence de l'enfance. Mais cette démarche n'amène-t-elle pas un regard déformé ? Toujours dans Le Mont Crépitant, il fait un parallèle entre le personnage du lapin et la déesse grecque Artémis. En explorant ces histoires populaires, j'ai trouvé qu'Osamu Dazai amène implicitement à la réflexion. Il n'y a pas de morale et notre conteur ne cherche pas en trouver une lorsque son récit arrive à sa fin. Même s'il se qualifie de stupide, on voit au contraire qu'il est loin de l'être. Le père est surtout très humble.

Les mots japonais dispersés sont expliqués et permettent d'apprendre quelques petites choses au passage. Un petit livre agréable, dont essentiellement, Monsieur Urashima et Le Mont Crépitant font réfléchir sur notre rapport avec les contes .

Une citation pour la route ~
En toute femme sommeille un lapin impitoyable et en tout homme un brave raton qui se débat pour ne pas périr noyé. ( Le Mont Crépitant )

19 nov. 2010

Les travers du Docteur Porc

Résumé : Quittant sa province reculée du nord du Viêtnam, le mandarin Tân a confié la justice du tribunal au pachydermique docteur Porc. Autoritaire et expéditif, ce dernier ne tarde pas à exposer ses travers quand une découverte macabre l'oblige à fourrer son nez dans la fange d'une histoire ancienne. Affairé, il trottine de sessions d'autopsie en séances de chirurgie esthétique, sans oublier de se régaler au passage d'exquises douceurs fourrées à la viande. Ainsi, ne sacrifiant jamais le lard pour l'art, il mène son enquête avec un flair tout particulier, dans une ville où de vieux cochons se frottent à de jolies cocottes. Artiste du scalpel et virtuose de l'acupuncture, le docteur Porc est aussi un maître de l'interrogatoire : pour que les suspects "crachent le morceau", il n'hésite pas à les cuisiner avec des herbes très, très spéciales.

Mon avis : Le titre m'avait interpellée à cause de sa forme en jeu de mots alors quand je l'ai vu dans une librairie pas loin de chez moi, je me suis dit que l'occasion était trop belle ! Et je n'ai pas été déçue.

Dans le Dai-Viêt du XVIIe siècle, Tran-Nhut propose une enquête ardue : la mort d'une jeune fille dont aucune trace n'existe dans les archives. L'intrigue est bien ficelée et jusqu'au bout, il est bien difficile de connaître le fin mot de l'histoire. Plusieurs fois, l'enquête semble toucher à sa fin mais un détail lui redonne toujours de l'élan. Des personnages essaient de brouiller les pistes ou de faire en sorte que le docteur Porc n'arrive jamais à découvrir la vérité. Au travers de ce roman, toute la richesse de la médecine orientale est utilisée. L'appendice fournit d'ailleurs des explications très intéressantes sur les ouvrages mentionnés dans le récit comme le Livre de la réparation des torts. L'écriture de Tran-Nhut est très agréable et on s'imagine parfaitement dans la cité où le médecin évolue. Tout est passé en revue : les moeurs – légères - de l'époque, la nourriture, la vie de la cité et des portraits de femmes qui font terriblement contemporains. Certains sujets intimes sont aussi pour le moins très imagés donnant une touche amusante aux descriptions. Quant aux plats dont raffolent le docteur, ils sont quelque peu.. particuliers, je dirais.

Le protagoniste, le docteur Porc, porte bien son nom. Son corps ne s'accorde pas avec son visage qualifié d'exceptionnellement beau. Ses bonnes manières n'existent pas. Il est une sorte d'anti-héros et une figure totalement opposé à celle du Mandarin Tân. Egoïste, blessant, gourmand, il n'y a pas une pique qu'il ne dit pas. Il abuse du pouvoir confié par le jeune mandarin pendant son absence. Et au moment de faire son rapport, le mensonge lui apparaît être une bonne option pour tourner en sa faveur quelques ratés de son inspection. Les sbires ont bon dos avec lui. Surtout que sa motivation pour mener l'enquête s'avère peu noble. Bien sur, il y a la simulation intellectuelle, montré son savoir et son esprit de déduction... Mais essentiellement l'appât du gain. Recevoir un lingot d'or. Pour le Docteur Porc qui ne rêve que de fortune et de s'installer au coeur de la cité pour attirer une clientèle féminine insatisfaite du travail de Dame Nature. Malgré tout cela, ce personnage est terriblement attachant et ses défauts amusent.

Parmi les autres personnages qui m'ont plue, il y a le Docteur Lakhbir qui permet d'aborder succinctement la situation des Sikhs et du Punjab à l'époque, Mademoiselle Orchidée, l'assistante du Docteur Porc, qui en cherchant à devenir plus belle qu'elle ne l'est, se fait du tort et Madame Melisse qui s'assume pleinement.

Un bon roman policier très plaisant à lire, dépaysement garanti :) !

17 nov. 2010

Noir en chair et en os ?

Je ne sautais déjà pas de joie en apprenant que City Hunter allait être adapté en drama mais je crois que pour Noir, c'est encore pire. J'ai envie de dire "Pourquoi ? Pourquoi ?". Starz ne peut-elle pas adapter des comics US plutôt ? Ce n'est pas comme s'ils manquaient de titres, non ? ( Genre Filthy Rich de Brian Azzarello )

Ça fait fan, je sais. Mais en plus d'avoir une magnifique OST de Yuki Kajiura et un opening d'Ali Project, Noir fait parti de ses animés, que je considère comme "adulte". L'histoire est complexe, les relations entre les personnages aussi et j'ai peur que la qualité ou que l'esprit de l'animé disparaisse. En plus, le décor est la France. Mireille vit à Paris, il y a des scènes en Corse. Bref, je me demande ce que ça va donner...

Et puis certaines scènes sont assez ambigües.. De là à avoir du fanservice... hein...

12 nov. 2010

Traitors Gate

Résumé : Sir Arthur Desmond, mentor du commissaire Thomas Pitt, est retrouvé mort dans un club londonien.
Accident ? Suicide ? Son fils n'y croit pas et demande à Thomas d'enquêter. Pendant ce temps, au ministère des Colonies, un traître divulgue à l'Allemagne des informations sur la politique anglaise en Afrique. Or Desmond travaillait aux Affaires étrangères et avait porté des accusations contre le gouvernement au sujet des colonies. Les suspects : un groupe d'hommes très influents et fort soucieux de leur réputation.
C'est alors que le corps d'une aristocrate londonienne est découvert dans la Tamise... Thomas Pitt et sa femme Charlotte vont risquer leur vie dans cette intrigue qui mêle souvenirs, amitié et affaire d'Etat. C'est toute l'expansion de l'Empire qui est en jeu.

Mon avis : Voilà qui aura été une lecture des plus laborieuses. Pourtant le contexte historique et l'intrigue me plaisaient au départ. La colonisation de l'Afrique sur fond de complot et jeux d'intrigues. Mais j'ai décroché au fil de la lecture. Au lieu d'essayer de deviner l'identité du meurtrier, je me suis attachée aux personnages féminins : la moderne Christabel Thorne qui est pour l'instruction des femmes, Nobby Gunne l'exploratrice amoureuse de l'Afrique, Vespasia, la vieille dame coquette ou encore Charlotte, l'épouse du commissaire Thomas Pitt. À leurs côtés, les personnages masculins m'ont parue bien fade, discret alors qu'ils sont liés à l'enquête. Peut-être aussi parce qu'ils représentent un certain conformisme et semblent là pour contrebalancer leurs épouses.

Quant à l'enquête, elle paraît bien lente. Les mensonges et les attitudes contradictoires se suivent mais jusqu'au second meurtre, j'ai eu l'impression de faire du sur place. En mettant cet aspect de côté, j'ai trouvé qu'Anne Perry traite bien la colonisation, en donnant du réalisme à son récit en parlant de figures importantes comme Cecil Rhodes ou David Livingstone. Chaque personne a son opinion sur ce continent convoité et partagé par les puissances de l'époque, ses craintes et ses espoirs. Tous ne pensent pas de la même façon et ils s'interrogent. D'ailleurs, sur le sujet, le personnage le plus surprenant est la femme du ministre des colonies, Susannah Chancellor, qui sous ses airs presque naïfs pose des questions ou fait des réflexions qui font mouche. Anne Perry expose aussi bien, les enjeux économiques et stratégiques derrière ce "partage" de l'Afrique.

Deux citations que je trouve intéressantes :
— Non… Sauf quand il m'arrive de rêver. Les souvenirs sont si délicieusement trompeurs… Je me fais du souci pour l'Afrique, surtout après la conversation que nous avons eue l'autre soir. Il y a tant d'argent en jeu, tant de profit à tirer de la colonisation. Elle est révolue, l'époque où les explorateurs partaient découvrir de nouvelles contrées pour la seule raison qu'aucun Blanc ne s'y était aventuré jusque-là. Il n'est plus question que de traités, de droits relatifs à l'exploitation des mines, et d'opérations militaires. Il y a déjà eu tellement de sang versé ! On ne parle plus des missionnaires. Voilà plus de deux ans que je n'ai pas entendu citer les noms de Moffat ou Livingstone. On ne parle que de Stanley et de Cecil Rhodes désormais, et d'argent, bien entendu.

— Ils peuvent être aussi retors, profiteurs ou despotiques que n'importe quel Blanc. Ils sont capables de vendre leurs ennemis à tout Arabe qui les achètera. C'est leur façon de traiter les prisonniers de guerre. Ils n'ont pas un sens moral différent du nôtre, ils ont seulement moins de pouvoir, que nous, les Européens, avec nos armes à feu, nos canons… Je crains que nous répandions le mal, nous, que l'idée du profit rend gourmands, et celle d'un empire, voraces.

Robert Moffat : Missionnaire ( Biographie & informations : Scottish missionary to South Africa )
Cecil Rhodes : Homme d'affaires et politique. ( article  : A bad man in Africa )
Sir Henry Morton Stanley :  Explorateur et journaliste ( article : BBC - Historic figures )

10 nov. 2010

Tea time

Ichi go ichi e... « Une fois, une rencontre »  dit-on en Japonais, et en esprit avec la nature; il faut vivre l'instant présent qui est un cadeau des dieux... comme le thé !

Mon avis : Boisson la plus bue dans le monde après l'eau, ingrédient utilisé dans les produits de beauté, le thé est partout. Alors quoi de mieux que de partir à la découverte de son histoire en compagnie de Jules Verne et du... capitaine Nemo ! À l'aide d'une machine à remonter le temps, ils partent sur les traces de la petite feuille verte. De la Chine au Japon, de l'empereur chinois Shen Nung au botaniste Robert Fortune, le voyage s'avère riche ! Et dire que les anglais ont piqué des plants de théier aux chinois pour l'introduire en Inde. Comme quoi une simple petite feuille attirer les convoitises.

Avec une touche d'humour et de fantastique, La fabuleuse histoire du thé aborde les légendes et l'histoire de cette boisson dont la Chine est considérée comme le berceau. Graphisme agréable, couverture superbe - l'image ci-contre ne lui rend vraiment pas honneur - , cette bande dessinée est un plaisir à lire et aurait presque un petit côté aventure. Cependant il ne faut pas détester les récitatifs car ils sont nombreux.

À la fin, quelques personnages de l'histoire jouent les guest stars (Shen Nung, Catherine de Bragance ) pour parler cérémonie du thé (Five O'Clock tea ou Cha No Yu). Il y a aussi quelques détails sur la mythologie chinoise comme l'évocation de Fuxi et Nuwa, deux divinités, frère et soeur, épouse et mari ( Nuwa dirigeant le sol, Fuxi le ciel ).

Reprenant la découverte des boissons, il existe aussi La Fabuleuse histoire du chocolat et La Fabuleuse histoire du café toujours chez Clair de Lune.

1 nov. 2010

Estampes sur eaux troubles

Estampes sur eaux troubles figurait dans la liste des livres proposés pendant l'opération Masse critique des littératures de l’imaginaire. Son résumé me semblait mystérieux et je me suis laissée tenter afin d'en savoir davantage ~

Résumé éditeur : Sensualité, ambition, regret, remords... Le désir couve chez ceux qui ne veulent pas le voir.
Une jeune fille se perd dans les forêts du Penjab et découvre que toute danse n’invite pas au plaisir... Une jeune épouse reçoit d’étranges présents de son aimé parti au front, de vieilles bobines de cinéma ravivent d’anciennes flammes... Et loin derrière les anneaux de Saturne, on mutile les corps pour renouveler l’esprit.
Le désir ici se fait atrabilaire, ses objets sont brumeux comme le rêve, ardents comme des braises. Passé, présent, avenir, en un ocre mêlé d’encre noire. Chevelures, parfum, souvenirs mal enterrés, fantômes resurgis : au fil de ces neuf textes, les images et les sons se répondent...

Mon avis : Aussi troublantes que tragiques, ces 9 nouvelles possèdent chacune leur propre univers plongeant le lecteur dans l'Inde colonialiste, en Ecosse dans un château, dans une sorte de conte moderne où le loup se cacherait derrière une apparence avenante ou encore dans un futur aux accents de civilisation romaine. Autant de changement de lieux et d'époques qui ne choquent pourtant pas. Cette diversité semble former un tout créé par des fils conducteurs. Dans les récits, la même ombre terrifiante plane. La même violence qu'elle soit physique ou mentale, ne rôde jamais loin. Celle du combat, celle du désir, celle de la jalousie, celle de la folie... 

Les situations peuvent transformer la plus innocente jeune fille en apparence en un monstre laissant ses pulsions la dominer. Les fantômes ne sont pas plus vils que les humains. Imaginaire et réalité se mélangent alors que le lecteur nage entre deux eaux. Et en ce sens, le recueil porte très bien son nom.   Cependant, l'effet est différent selon les nouvelles, si certaines peuvent paraître immédiatement fantastiques, d'autres au contexte plus contemporain paraissent plus plausibles, réalistes. On passe très bien d'une nouvelle à l'autre tout en se demandant ce que Marianne Lesage a préparé. Son écriture "coule" bien et la narration est variée. Echanges épistolaires, journal intime etc qui se marient bien  soit  avec l'utilisation de la première personne, soit avec celle de la troisième personne.

Les personnages hétéroclites rencontrés au cours des nouvelles créent un ensemble riche. J'avoue avoir eu quelques préférences notamment pour Art is the hammer où le "chasseur" devient une proie. Une sorte de retour de manivelle. Ainsi que la pointe d'ironie dans Oeil de nacre dans la serre. Ah cette jeune épouse qui brise son mari ! Et qu'en est-il de cette espèce d'obsession quasiment mystique pour la pureté ? Tout comme l'obsession du rouge de Paul… Désirer est dangereux… Cela peut même coûter cher. Très cher.

Estampes sur eaux troubles entraîne sur des sentiers où tout peut arriver. Surtout le pire. Plus dérangeantes qu'effrayantes, les nouvelles ne laissent pas indifférent avec cette sensation d'être sorti d'un rêve étrange. Et… attention à ce que vous convoitez.

Merci à Griffe d'Encre et à Babelio pour cette découverte  !